La Scélérate !!

Après une journée de ravitaillement à Cascais où nous récupérons notre gennaker réparé, nous prenons la route du Sud. Objectif : l’Algarve et ses côtes mythiques.

Pas vraiment envie de faire une nav de nuit, et en dépit d’une météo annoncée pour la semaine, avec des molles proches du zéro, nous prévoyons un stop au port de Sinés à mi route du Cabo San Vicenté, porte de l’Algarve. Donc en avant toute « moteur » pour une arrivée escomptée vers 19h00.

Toute une flopée de voiliers en font de même, ils tracent leur route à sec de toile et nous dépassent tous un par un, filant devant nous à 6-7 nds. Nos moteurs sont callés avec un pas d’hélice adaptés aux manœuvres de port et ne nous permettent pas de dépasser les 5 à 5.5 nds. Le capitaine le sait et accepte cet état de fait avec philosophie. 

L’école occupe tout l’équipage, une bonne partie de la matinée. Récré, chacun vaque à ses occupations avec des intermèdes dauphins.

 

Après le déjeuner et contre toute attente, une brise se lève. On en profite pour sortir le petit gennaker et valider la réparation. Nickel ! Tout roule, on file à 7-8 nds sur une mer calme en cap direct sur le Cabo San Vicente. Du coup, on décide de changer nos plans : une nav de nuit dans ces conditions, c’est le top !

Vers 19h00, tout se passe à merveille, les enfants jouent dans le roof, je prépare tranquillement le repas, et Steph est à la table à carte, quand : « BANNNG !!!! Glin glin glin …» Un vague énorme vient de nous frapper violemment par l’arrière tribord, ébranlant le bateau dans un bruit de verres cassés, submergeant le pont, traversant le cokpit et s’engouffrant dans le roof par la porte restée ouverte, en dévalant l’escalier de la coque bâbord ! 

Un peu sous le choc, nous sortons sur le champ, les pieds dans l’eau, Steph reprend la barre, je fais le tour pour voir si tout va bien…  « dans le Calme » : ne pas agir dans la précipitation, ne pas créer de sur-accident. 

A première vue pas de bobo, l’eau s’est bien évacuée par les dalots, pas d’eau dans l’annexe, pas de casse visible… « ALORS s’était quoi ce bruit de verres cassés ? »

Camille file dans sa chambre pour voir ce qu’il en est de son hublot qui a reçu cet uppercut de plein fouet ? « RIEN »

On éponge les sols en ayant tous en tête cette question ; « c’était quoi ? »

« Les LEGOS ! », sous le choc de la vague, les kilos de légos des enfants, ont fait un vol plané dans la coursive !! Une pluie de petits cubes ont recouvert le sol !! Ouf tout va bien.

« Stéphane, on va à Sines !! » Plus question de faire une nav de nuit. On a eu assez d’émotions comme ça, on empanne cap sur le petit port.

Camille a été au top, même choquée, elle a gardé son sang-froid et a été très active pour nous aider. Charles, lui a été très impressionné, il n’a pas paniqué, mais il ne savait quoi faire. Il a besoin d’un gros câlin. Il me glisse : « je suis trop jeune pour mourir, maman ». On explique aux enfants, ce qui s’est passé pour désamorcer d’éventuelles peurs. On dédramatise. On se dit qu’il faut absolument bien fermer ses hublots avant tout départ. On se dit qu’un bateau c’est solide. On rigole en épongeant et on se moque de Bianca qui n’a pas moufté « même pas peur ! ».

Dans le Gascogne, au large des côtes espagnoles et portugaises, les fonds atteignent des profondeurs abyssales de l’ordre de 4 à 5000 mètres. A l’approche des côtes et du plateau continental, ils passent en quelques miles à quelques centaines de mètres. Cette brusque remontée des fonds déclenche des courants verticaux forts qui forment une mer hachées, désordonnée et capricieuse. L’une d’elles nous aura pris en traitre, la scélérate !!

Nous rejoignons donc Sines vers 21h00 en ayant parcourus 30 miles de plus qu’il aurait fallu, si nous n’avions pas décidé de changer nos plans en cours de route, mais nous arrivons riches d’une nouvelle expérience. 

Sines :

L’essentiel du petit marin à Sines
Le port niché au fond d’une double baie.
Mouillage sans problème sur fond de sable très protégé
Très belle plage pour les enfants
Cité de naissance de Vasco de Gama : statue et château
Spécialité de pasteis de Sines

C’est un petit port charmant enclavé au fond d’une baie. Un mouillage tranquille, tout proche du port, pour une nuit au pied d’un château construit à la mémoire de Vasco De Gama qui y est né. De jour, les enfants y trouveront leur compte sur la plage et les rochers. L’eau y est limpide et regorge de poissons, mulets bien sûr mais aussi beaucoup de dorades qui me tournent autour pendant que je carène le bateau.

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Je fais la rencontre de Gilles et de la la légende vivante Grand Citron Vert, autre plan Lerouge historique dans la série des Ville Audrain, de 32 ans d’âge. Il remonte son bateau en France pour le refaire intégralement pour un départ en voyage dans 3 ans. 😉

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Nous sommes abordés en plein repas par une jeune femme et sa bouée de gamine à trois francs 6 sous ! Amélie est une jeune globetrotteuse de 22 ans, avec un franc parlé irrésistible. Cet été elle a parcouru à sac à dos, le Maroc, Le Portugal et compte rejoindre la France via l’Espagne. Quelle joie de vivre ! Quelle ouverture d’esprit, curiosité !   Elle n’aime pas la société actuelle, et ne veut pas être conditionnée par facebook ou Instagram, comme les autres jeunes. Elle veut voir du pays, faire des rencontres, être libre ! 

Nous l’invitons à bord parce que depuis bientôt ½ heure, elle mouline dans sa bouée…on a peur qu’elle finisse par avoir des crampes …Les enfants boivent ses paroles avec avidité, elle s’intéresse à eux à leur vision du voyage, à leurs occupations. Leur dit ce qu’elle en pense et la chance qu’ils ont. On boit du petit lait !

Quelle leçon de vie pour nous et les enfants. A 22 ans, Amélie a compris beaucoup de choses de la vie que certains n’auront peut-être jamais la chance d’entrevoir. Elle assume ses choix, sans accabler les autres des leurs, sans être dans la fuite. Elle croque la vie à pleine dents. Bon vent à toi !

C’est ça aussi le voyage…

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