1200 miles pour notre qualification

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4 jours et 12 heures 

24 au 28 juillet 2022

A l’heure où de nombreux coureurs au large entament leurs parcours de qualification pour la Route du Rhum ou le Vendée Globe, il y a quelque chose de cet état d’esprit à bord de boomerang. Un air de rôdage nécessaire avant de s’engager dans cette nouvelle aventure familiale.

Nous avons parcourus plus de miles en quelques jours, que depuis notre pause du premier voyage, entre la collision de juillet 2020 et les petits cabotages en baie de Quiberon ou dans ce merveilleux Golfe du Morbihan.

Il y’a un fossé considérable entre les sorties d’un week-end et les longs trajets de navigation hauturière. Nous devions donc passer cette « qualification » pour nous mêmes, mais aussi pour tester les nombreuses optimisations apportées à notre fier destrier.

1200 miles derrière l’horizon, que c’est il passé ?

D’un point de vue technique, pas de gros problème à signaler, avec un catamaran encore plus dynamique qu’avant, une sensation de sécurité absolue, des performances accrues quand on veut s’en occuper un peu.

Et c’est là que tout prend forme, sans vraiment le vouloir, sans vraiment le penser. Le cerveau humain est extrêmement bien fait : il a digéré pendant cette pause de 2 ans, toutes les expériences et tous les ressentis positifs et négatifs du premier voyage pour synthétiser, améliorer, et optimiser ce nouveau départ. Il a en quelque sorte, lâcher prise nécessaire pour mieux repartir…

A titre personnel et c’est le capitaine qui vous l’avoue, je me suis jamais senti aussi bien et serein en navigation océanique. Par le passé, et pour l’avoir à maintes reprises formulé, les navigations hauturières n’étaient pas ma tasse de thé, à cause certainement d’une appréhension ou d’un stress chronique dû à la confrontation à un univers étranger.

Ça semble donc ne plus être le cas, et cerise sur le gâteau, je peux élargir ce propos à la capitaine qui ose un peu plus prendre des initiatives et aux enfants qui se prennent au jeu des quarts. Même le chat a instantanément été au parfum et s’est adapté en quelques heures, après avoir vomi une fois dans sa litière.

Il faut le dire, cela change beaucoup de chose dans l’ambiance à bord, dans l’organisation, dans les choix de navigation et à titre personnel dans le sommeil et la récupération. 

Nous avons donc utilisé Boomerang comme il doit être utilisé, c’est à dire avec la toile du temps, n’hésitant plus après 8600 miles (près de 16000 kms) de vie commune à envoyer gennaker et spi pour surfer plus vite, plus loin. 

Lors du précédent voyage, nous avions régulièrement navigué sous toilé, ici on adapte constamment, et avons donc découvert un nouveau compagnon. Nous n’oublions pas au passage l’humilité et le petit stress, pour assurer la vigilance nécessaire, et éviter l’erreur et le mauvais choix et pour mettre, si nécessaire le pied sur le frein.

De bonnes augures pour la suite…

 

Une traversée comme un long fleuve tranquille :

Après cette intermède personnel, passons aux choses sérieuses, pour vous narrer ces 112 heures de navigation hauturière.

Départ de Muros avec le jour naissant, sur une mer d’huile au moteur pour sortie de cette merveilleuse ria espagnole. Vent dans le nez, nous poussons un peu les moteurs pour s’éloigner au plus vite de la côte, et gagner les grandes profondeurs, où nous espérons limiter les interactions avec des orques « mangeurs de safrans » repérés ces derniers temps dans le secteur.

En milieu d’après midi le vent se lève, on envoie toute la toile et filons cap 213° sur notre objectif : Porto Santo, petite ile de l’archipel de Madère à plus de 680 miles droit devant.

Les conditions de navigation sont globalement idéales pendant cette traversée, quelques moles le matin après le levé du jour nous obligent à remettre en route les moteurs, mais la plupart du temps nous bénéficions d’un vent moyen de 12 15 nœuds avec quelques pointes jusqu’à 25 nœuds. Nous naviguons principalement au portant, ou vent arrière, sous gennaker ou sous spi. Particularités de cette belle navigation, une mer hyper maniable avec une faible houle (1,30 à 2 mètres), et surtout une houle longue (fréquence supérieure à 9 secondes) confortable et idéale pour les surfs.

Nous nous essayons à la pèche à la traine sans succès, au grand dam de la cuisinière qui se pourlichait déjà les babines à l’idée d’un céviché pour l’apéro. La pèche fait partie de nos objectifs pour cette nouvelle Transatlantique. En 2019, nous avons été 100 % bredouilles, faute d’avoir tenté il est vrai !!! Affaire à suivre …

 

Des quarts de nuit :

Petit moment partagés mère fille (nuit). Père Fils (jour). Transmission des fonctionnement des nouveaux instruments, lecture des cartes, croisements de bateaux (navire de pèche et cargos), prises de repères et compréhension par l’expérience du rôle de chargé de quart. De l’importance de la vigilance à 360°, de l’anticipation des changements de conditions par l’observation de son environnement.

On en profite aussi pour observer les étoiles à la faveur d’une nuit sans lune. On fait des vœux quand elles sont filantes. On échanges nos états d’âmes, les appréhensions, les confidences.

 

De la confrontation avec l’immensité de l’océan.

Première nuit, 1h30 du matin : tout est paisible. Pas un bruit, tout le monde dort. La mer est noire, seulement éclairée par les étoiles et les feux de navigation, la lune ne se lèvera que dans quelques heures. Je suis en fin de quart. J’observe au loin les feux d’un chalutier en action de pèche. Je suis alors intriguée par des petits traits blancs qui zèbrent la crête des vagues. Pourtant aucun mouton, la mer est calme. J’allume alors la torche et là, je crois halluciner !!! Des milliers de petits poissons me fixent de leurs yeux rouges (réflexion du projecteur dans leur yeux) ! A y regarder de plus près, ce sont des milliers de sardines qui fusent en tout sens ! Nous vogons sur un banc de sardines. Il y en a à perte de vue. Jamais vu ou entendu parlé d’un tel phénomène. Le banc est si gros que j’ai le temps de faire un petit film, de réveiller Stéphane et Camille pour qu’ils profitent aussi du spectacle (impossible de sortir Charles des bras de Morphée). Est-ce l’action de peche du chalutier qui a mis en déroute ce banc énorme ? Toujours est-il que Boomerang l’aura survolé pendant plus de 45’ ! Gourmande comme je le suis, je ne vous cache pas que j’ai cruellement regretté de ne pas avoir d’épuisette pour en chopper une petite douzaine au passage…

Dans la séquence jamais vu avant : Stéphane fait très fort le lendemain matin en découvrant sur les pont de Boomerang 2 , des petits encornets. On connaissait les poissons volants mais de là à imaginer retrouver des encornets sur le pont avec un franc bord de plus d’un mètre cinquante…

 

De la vie à bord :

Les quarts de nuits s’enchainent, et le jour chacun vaque à ses occupations. Grosses séquences de construction de Légo, dessins, lecture, sieste, sans oublier notre deuxième passion après le voyage : la cuisine. Au menu de ces 4 jours de navigations, les grands classiques de la Boomerang Family (Salade césar, Brick aux Oeufs, Chili con carné), mais aussi des nouveautés concocté par Camille (Crumble aux pommes et Poke Bowl). Charles n’est pas en reste et nous prépare des croques monsieur et assure la présentation des plateaux apéro de charcuteries espagnoles… Parties de Yams et Dominos.

 

Des rendez-vous avec les copains :

Nous filons donc a un bon rythme sur la grande bleue, presque toujours en ligne droite. Le vent forcit sur les deux derniers jours et nous permet de compenser la lenteur de nos 5 nœuds à moteur du premier jour. C’est plutôt une bonne nouvelle, car des amis nous rejoignent par avion à Porto Santo. Leur avion arrive à 20h00. Nous ne savons pas si nous serons dans les temps. C’est une « pression » pour le voyageur au long cours. Pas de garantie d’honorer des rendez-vous en navigation hauturière. Au delà des avaries diverses et variées, la météo et l’état de la mer sont des facteurs de risques loins d’un planning millimétrés du train ou d’un avion.

A la faveur d’éole, notre rendez-vous sera honoré avec 3 heures de retard.

 

Notre arrivée à Porto Santa sera sous la brume.

Il fait encore jour mais plus pour longtemps. A l’approche des côtes,que nous distinguons à une 20aine de milles, le vent accélère d’un coup et s’accompagne d’un beau crachin qui ferait honneur à la Bretagne. Les vagues sont courtes et croisées, typiques des remontées de fonds vertigineuses qui se jouent sous nos étraves : en quelques miles nous passons de -4000 mètres à 70 mètres de fond, soit l’équivalent d’un Mont Blanc dont le sommet est notre destination !

Charles qui nous a rejoint, surveille les casiers à l’approche du port quand nous affalons la grand voile. Nous embouquons le chenal du port à 23 heures, mouillons rapidement pour récupérer nos amis qui nous attendent gentiment au café de la marina et qui sirotent une sangria Branco. Nous remouillons Boomerang à l’extérieur de la marina à l’abri des bruits de l’usine du port et du ponton des ferrys. Petite collation bien méritée pour tout le monde et au lit. Demain on découvrira cette ile dont on nous a tant parlé.

 

 

 

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