Le voyage doit-il continuer ?

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Le 30/03/2020 : 14ième jour de confinement

Divers Faits

Ce matin 7h00. Une famille de Guadeloupéens est sur la plage. Après la baignade la maman, enfile un paréo et emboite le pas de ses ado. Ils enchainent les allers-retours sur la plage à grandes foulées… Comme pour tous le confinement pèse sur le moral. Difficile pour cette population des Antilles qui vit continuellement dehors de vivre cloîtrée. En ce 14ième jour de confinement, le besoin de se défouler physiquement se fait sentir… 

Pourtant la patrouille de police veille au grain et interpelle régulièrement. 

Pas plus tard qu’hier, sur cette même plage une famille venue se baigner s’est fait renvoyer chez elle. A quelques 300 mètres de là nous avons suivi les échanges, aux premières loges…

Côté mer, le mouillage est aussi ciblé. Un bateau copain a reçu la visite de la gendarmerie maritime qui les a gentiment invités à ne plus se baigner autour du bateau, même dans les 15 mètres autorisés par les décrets. Il y aurait des personnes qui se seraient plaintes arguant du « pourquoi eux et pas nous ? ».

Radio ponton retransmet l’info à tout le mouillage : c’est la consternation. 

On s’insurge, on ne comprend pas. Puis, le mot « Délation » sort du chapeau. Un peu fort sans doute, mais il nourrit des inquiétudes grandissantes et fondées…

A bord nous suivons avec attention les effets pervers du confinement et notamment ses conséquences sur le fossé et les incompréhensions qui se creusent inexorablement entre natifs des îles et les « métros ». A priori pourtant tous Français. 

Depuis quelques jours, sous la pression de la population, plusieurs maires de l’île, durcissent les mesures de confinement à l’encontre des navigateurs. Si nous pouvons aisément comprendre l’interdiction d’accès à certains mouillages comme celui des Saintes ou de Marie Galantes, en raison de l’absence de structure médicale adaptée à cette crise inédite, d’autres injonctions nous paraissent excessives. Nous nous inquiétons par exemple des dernières « interdictions de mouillage » voir « d’accès à terre » qui fleurissent sur plusieurs villes du littoral de Guadeloupe, Dehaies, Bouillantes, Malendure (où nous nous trouvons). Bien qu’à l’encontre des directives de la préfecture, et ayant été d’ailleurs ce jour, réfutées par le Tribunal Administratif, il n’en reste pas moins que les tensions montent, et les comportements protectionnistes s’amplifient.   

A cela s’ajoute « l’Interdiction de naviguer », sauf à « l’appréciation du capitaine de bord» en cas de navigation de sauvegarde.

Et puis, pour aller où ? Les infos nous parviennent du matin au soir, souvent contradictoires, tronquées, sujettes à interprétations. 

Avant-hier, un hélicoptère de la gendarmerie a survolé notre mouillage, filmant les bateaux en présence, rappelant à l’ordre les enfants qui jouaient sur leur paddle. Des enfants dépités et inquiets, qui finiront par se ranger aux arguments avancés par les autorités : kit surf, paddle, snorkling, plongée, navigation, et même la natation sont interdits ; les secours éventuellement engagés en cas d’accident pouvant compromettre la disponibilité des équipes SNSM, pompiers, gendarmes dans leurs capacités à lutter contre le Covid19. 

Gloups  et regloups !!! Va pour les sports à risques, mais nager ? Camille boudeuse, avise sur la côte les fumées d’un feu de jardin et de dire : « et le feu ? y’a le droit ?, c’est pas risqué aussi ?! »

Ce mouillage paradisiaque, en pleine réserve Cousteau, avec ses fonds poissonneux, bourrés de corail, à portée de palmes ce n’est plus pour nous. Le voyage est fini. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, nous ne sommes pas mieux lotis que nos amis et famille, là-bas en France métropolitaine. D’ailleurs, j’oserai même avouer que nous préférerions y être. 

Pour nous au-delà du confinement que nous essayons de respecter au plus près, au-delà des inquiétudes liées à un risque de contamination dans une région loin d’être armée pour faire face à cette pandémie, nos journées sont peuplées de gros points d’interrogations ? Loin de vouloir être alarmiste ou de me plaindre, (d’autres sont de loins encore plus touchés que nous), nous nous devons d’anticiper une suite à donner avec des dead line incompressibles.  

Dans à peine deux mois débute la période cyclonique. Où se mettre à l’abri des tempêtes tropicales et des ouragans ?  Le port du Marin (Martinique), affiche complet et les autres « trous à cyclones » ont fermés leurs frontières ? Partir au sud du 15ième parallèle…La Guyane ? Quel accueil allons-nous y trouver ? Pour quelles conditions ?

Beaucoup d’équipages sur notre mouillage sont partis pour une année sabbatique. Certains ont prévu la revente de leur bateau à la fin de leur périple, d’autres comme nous envisagent d’écourter leur voyage. Quid d’une offre pléthorique de voiliers en vente à l’aube d’une économie en chute libre ?

Reste la solution de La traversée retour. Au-delà de l’interdiction de naviguer,  d’un trajet connu comme difficile et éprouvant d’une bonne 20aine à 30aine de jours, les Açores ont fermé leur frontière, même si ils semblent accepter un pit-stop de 24 heures pour ravitailler. 

Reste pour ceux qui le peuvent financièrement, le retour du bateau en cargo. Southampton ou la Méditerranée, au départ des USVI (îles vierges américaines), nécessitant un visa… On oublie. Le Marin, avec un dernier cargo à partir entre le 8 et le 28 avril, soit un retour en France en pleine pandémie ? Avec des ports d’arrivée en Espagne, Angleterre qui peuvent potentiellement être fermés à notre retour ? Nous espérons que de nouveaux cargos pourront être programmés pour la France ! Et y travaillons activement…

Les bonnes choses du quotidien

Au mouillage, on vit des moments inédits, avec comme en Italie ou en France des petites parenthèses sympa. RDV est donné tous les soirs sur la VHF canal 77 aux voileux du mouillage pour une cession « Blagues carambar », qui rencontre un vif succès auprès des petits comme des grands. Petite parenthèse bon enfant aussi, lors l’anniversaire de Marie relayé par un groupe WhatsApp du mouillage où tous les bateaux trinquent en même temps au son des cornes de brume et du sempiternel «Happy Birthday ». Il y a aussi les « apéros annexes », à l’instar des apéros balcons », qui permettent de prendre son verre et ses cacahuètes tout en respectant les distances de sécurité réglementaires…On a aussi assisté à des concerts avec des milliers de gens, merci à « M » et Jean Louis Aubert pour leur bon humeur et leur humour.

A bord chacun s’occupe : les bateaux sont briqués, les coques sont rutilantes, les petits travaux longtemps reportés, exécutés. On tri les photos, on commence les albums, on lit on écrit. On joue en famille aux dominos, au yamm’s, au Monopoli. Pour la première fois, on trouve que l’école a du bon : 2 ou 3 heures par jour, ça rempli l’emploi du temps des enfants. Idem pour le temps d’écran passé à la switch ou sur la DS. On regarde des films, on montre aux enfants le best of de l’école des fans, on écoute de la musique et on partage avec les enfants des extraits de concerts d’anthologie…

On appelle la famille et les amis, on fait des vidéos.

Bref on tue le temps comme vous tous, en gardant nos réserves pleines, prêts à partir s’il le faut, à l’écoute de l’évolution de cette crise.

Quels impacts aura le Covid 19 dans la mer des Caraibes ?

On n’en sait rien, effectivement, mais pour avoir un peu vadrouillé dans la zone, le premier constat évident est que la grande majorité des iles de l’arc Antillais ne dispose pas de structure hospitalière adaptée.

C’est aussi vrai dans les pays que nous n’avons pas encore visités : BVI, Cuba, République dominicaine, Venezuela, Colombie et Panama avant de passer de l’autre côté, impliquant des assurances santé privés chères.

Après la levée du confinement, les problèmes ne seront absolument pas réglés. Le dépistage massif semble complètement utopique ici, donc le virus sera toujours existant et présent. Le capitaine a la responsabilité de son équipage comprenant sa sécurité et sa santé.

Reprendre le voyage comme si de rien n’était, n’est pas responsable et acceptable intellectuellement, et continuer à découvrir, visiter, côtoyer tous ces peuples si accueillants, me semble donc illusoire.

La crise économique va aussi passer par là, et mettre des populations dans des situations catastrophiques notamment dans la période creuse économiquement parlant, de la saison des cyclones, qui arrive.

On a encore environ un mois pour se décider et pour envisager la suite à donner

« Cogito ergo sum » : c’est déjà beaucoup !

 

 

  

  

One Reply to “Le voyage doit-il continuer ?”

  1. La situation en France et ailleurs ne s’arrangent pas . Les hôpitaux sont surchargés et les malades évacués à l’autre bout de la france ou en Allemagne. Je ne suis pas certaine que là ou vous êtes et où vous pourriez allez ensuite dispose de structures adaptées ! Stephane est une personne à risque . Il encore jeune toi aussi, un voyage peut se reprendre après cette crise sanitaire catastrophique ! Prenez soin de vous . Bisous vero

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