On a rendez vous avec la lune ! Traversée Canaries – Cap Vert

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Traversée Archipel des Canaries – Archipel du Cap Vert

Du 12 novembre au 17 Novembre 2019

800 miles : 4 jours et 20 heures

Pour nous c’est une grande première, et la plus grande et longue traversée océanique jamais effectuée par notre famille.

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Nous sommes en stand by, depuis quelques jours au sud de la Gomera, en attendant la bonne fenêtre Météo. Depuis 15 jours, le vent souffle fort au sud de l’archipel, les mouillages pratiqués : Playa Chinguarime, Valle Gran Rey laissent rentrer d’un côté une houle résiduelle et de l’autre des vents jusqu’à 30 nœuds, tournicotants dans tous les sens. Nous y passerons quand même trois nuits en alternance. Le troisième mouillage est plus protégé des vents de Nord Est, même forts. Il s’agit de Playa Santiago, à proximité du port du même nom.

Nous tenterons de rentrer au port de San Sebastian de la Gomera mais un vent de 54 nœuds, en pleine face nous empêche de rejoindre cet abri. Demi tour nous nous mettons en fuite avec 50 nœuds dans le dos et regagnons à 5-6 nœuds – à sec de toile – le mouillage de Playa Santiago.

Le jour du départ se profile, Mardi 15 Novembre, confirmé par notre routeur Michel de Searout.

Derniers avitaillements, dernier repas dans un restaurant troglodyte très sympa, le Cuevita de Playa Santiago. Menu local avec berniques au four, murène frite et succulent morceau de sollemillo accompagnés d’une dernière sangria juste parfaite (retrouvez les recettes dans « Côté cuisine »).

Mardi 15 novembre

10 heures, l’ancre est levée , les voiles sont envoyées, nous nous extirpons tant bien que mal de la zone de dévent au Sud de la Gomera. Nous sommes accompagnés de Christian et Chantal à bord de leur catamaran Swisscat 48 et de plusieurs monocoques.

Au lieu de vous détailler point par point le journal de bord de ces 4 jours et 20 heures de traversée, nous allons tenter de vous décrire nos états d’âmes, nos ressentis, et nos émotions.

Le Retour d’expérience du Capitaine

Ce n’est pas sans appréhension que nous abordons cette traversée, souvent décrite dans les blogs comme difficile type « Vendée globe personnel ». Ce n’est pas un hasard non plus que certains équipages abandonnent leur projet aux Canaries ou au Cap Vert.

Dans la même logique cette traversée a été extrêmement compliquée avec constamment du vent fort supérieur, la plupart du temps à 30 nœuds avec plusieurs heures entre 40 et 45 nœuds. Le pire étant l’état de la mer avec une houle croisée : celle du vent venant du Nord Est et celle naturelle venant du Nord de l’Océan Atlantique donc de Nord Ouest. De plus le cap Blanc Mauritanien créé un couloir d’accélération et une mer hachée même à plusieurs centaines de milles au large.

Les manœuvres se sont donc succédées d’une manière régulière, avec notamment de nombreuses réductions et de renvois de grande voile et génois.

Nous avons pris conscience des qualités marines océaniques de notre catamaran ce qui est de bonne augure pour la suite. Une nouvelle fois, nous touchons du doigt notre vulnérabilité par rapport à cette immensité d’eau.

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Heureusement, nous avons « rendez vous avec la lune », qui nous apporte son éclairage et sa bienveillance dans les navigations de nuit :  filer à 10 nœuds dans une nuit noire est particulièrement anxiogène…

Vidéo rush sans montage de l’ambiance de nuit

De nombreuses personnes expérimentées, m’avaient dit qu’en voyage, on navigue sous-toilé. Et bien c’est notre cas. Entre le vent constant et les rafales, il est primordial de conserver la toile adaptée aux rafales, quitte parfois à pester contre une vitesse trop faible ou un comportement du bateau plus aléatoire.

En même temps, quand ces périodes plus calmes (25-30 nœuds) durent, nous sommes ballotés comme un bouchon. Il est alors temps de renvoyer un ris, et d’accélérer pour que la navigation redevienne plus confortable.

Trop lent ou trop rapide même combat, l’inconfort, surtout avec cette houle croisée.

Le juste milieu, semble être l’idéal, mais il n’est pas simple à gérer car il nécessite à chaque fois un demi tour face au vent. Il nous oblige à repasser au travers ou le vent apparent augmente puis au près où il accélère franchement.

En fait naviguer au près est peut être plus simple car nous sommes constamment proche du vent, avec une réduction de voilure plus simple, n’ayant pas ce demi tour face aux vagues à effectuer

Dans un autre registre, et cette fois ci personnel, on apprend sur ce genre de navigation, beaucoup sur soi même, et notamment sur l’aspect physique et la gestion de la fatigue, le stress et l’appréhension.

Les livres en parlent, les expériences des autres aussi, et il est assez déroutant de découvrir qu’au bout de 4 jours pour moi, le rythme est pris, et que l’équilibre se met en place dans la gestion du sommeil, dans la baisse de l’appréhension et du stress.

Après avoir grimpé de hautes montagnes francaises pendant mon adolescence, sillonné tous les déserts d’Afrique du Nord par la suite, la mer reste encore et de loin, pour moi, l’élément le plus hostile, le plus anxiogène et le milieu ou l’homme remets constamment en cause son adaptabilité.

Mais je vous rassure, je me soigne … 😀

Cette expérience de navigation, est ultra enrichissante, d’un point de vue technique, personnelle, familiale et de complémentarité avec mon second de femme. Les enfants ont été parfaits, disant même que la transat de 15 jours allait être une formalité. J’ai aussi apprécié à sa juste valeur les échanges quotidiens par SMS Iridium (satellite), avec une tierce personne Christian, qui naviguait en parallèle de nous, avec des conditions moindres en terme de vent. (décalage de 60 miles à L’est). De même et pour conclure, l’apport du routeur est non négligeable, y compris sur ce genre de traversée. Les fichiers étant ce qu’ils sont, nous nous sommes rendu compte au bout de 3 jours que ces derniers étaient en retard de 12 heures sur notre progression. Il est toujours plus simple de savoir à quoi s’attendre en vent et en hauteur de vagues et la science météorologique n’est pas toujours exacte.

Retour d’expérience du second

Je quitte les Canaries rassasiée de nos découvertes et avec une méchante envie de partir à la découverte de nouveaux horizons.

Pourtant, la traversée de Ténériffe à Gran Canaria et ses conditions musclées, les 3 jours au mouillage à se faire balloter sans dormir sereinement et le demi-tour imposé devant les 54 nœuds à l’entrée du port de San Sébatian, ont laissé des traces. Je prends donc le départ de cette traversée vers le Cap vert comme qui dirait un peu tendue et fatiguée.

Alors que nous avons fait notre maximum pour préparer cette traversée en tentant de prévoir au mieux les conditions météo, je suis septique avant même le départ, car jusqu’à présent, aucune de nos navigations canariennes n’aura été réalisée dans les conditions annoncées…

Partis sous un vent plutôt agréable à couvert de l’île, nous scrutons la mer au loin avec anxiété. Qu’est ce qui nous attend réellement au large ?

La réponse ne se fait pas attendre longtemps et très vite nous devons réduire la toile : les 45 nœuds de vent que nous devons affronter, nous obligent à nous remettre illico prompto dans le bain de la navigation. Je mesure alors combien, quelques jours sans naviguer, cassent le rythme et les réflexes.

Depuis le départ de France, nous naviguons principalement sous pilote automatique. La barre à roue, c’est essentiellement pour les manœuvres de port ou de mouillage. Du coup, moi qui aimait barrer sur Boomerang 1 (équipé d’une barre franche et non d’une roue), j’ai du mal à sentir le bateau. Je ne suis absolument pas attirée et familiarisée à l’utilisation du pilote, au grand damne du capitaine… Appuyer sur des touches + ou des -, afin de lofer ou d’abattre (remonter ou descendre au vent), c’est de l’abstrait, un peu le genre de confusion « gauche / droite »... Du coup, je n’ai pas confiance en moi et je pratique peu, par peur de faire des boulettes. C’est pourquoi cette traversée musclée, où nous ne sommes que 2 à faire les quarts, m’oblige à repousser mes appréhensions. Pendant mes quarts, et pour ne pas réveiller Stéphane (qui peine déjà à trouver sommeil), je me suis efforcée d’être autonome. J’ai joué du + et du -, par toute petite touche, et j’ai fini par avoir le déclic. Cool, même si je reste une inconditionnelle de la barre traditionnelle.

Steph et moi avons un mode de fonctionnement très différent. (D’aucuns dirons que j’enfonce une porte ouverte ; lol) En ce qui concerne nos quarts, si lui est capable de faire des micro siestes dans le Fatboy, je ne m’y suis encore jamais résolue. En général, je n’ai aucune difficulté à m’endormir quand c’est mon tour, mais me connaissant, si je tente l’expérience pendant mon quart elle risque de durer. Donc je m’occupe. Je suis soit debout, soit assise au poste de barre. Je surveille les écrans comme le lait sur le feu. Petit tour d’horizon sur les éventuels bateaux sur le plan d’eau. Je regarde beaucoup les vagues et le ciel, et me découvre une âme contemplative. C’est pour ça que les navigations sans lune me sont particulièrement déplaisantes et anxiogènes.

Pendant, cette traversée, j’ai vraiment prix du plaisir à barrer une fois mon analyse faite des conditions de navigation et de l’état de la mer. Celles liées aux nuages et à leurs effet sur les accélérations/décélérations du vent. Celles liées à la lecture des risées sur les vagues, aux moutons ou aux déferlantes qui se forment à leur crête. J’ai joué pendant des heures à lofer et abattre pour me rapprocher degré par degré d’un cap que nous nous étions fixé.

Quand je pique du nez, je mange, je bois du thé, et si l’atmosphère est cool, je m’autorise de la musique, même si mon oreille est toujours à l’affut du moindre bruit anormal.

Je crois pouvoir dire que nous commençons à bien connaître notre monture, ses comportements qui sont particulièrement sains et marins, mais aussi, ses bruits. C’est assez rigolo de parier sur la vitesse que l’on peut atteindre dans des surfs (vive accélération du bateau due à la poussée d’une vague), rien qu’en se basant sur le bruit généré par l’hélice de notre hydro. D’anticiper une accélération au bruit d’une rafale dans les oreilles. C’est déjà beaucoup moins drôle quand les vagues viennent frapper le dessous de la nacelle ébranlant tout le bateau dans un bruit sourd et inquiétant.

Pour conclure, je dirais que j’ai beaucoup appris pendant cette navigation. De l’utilisation du pilote, en passant par l’optimisation du réglage des voiles ou du passage des étraves dans les vagues. J’ai été impressionnée par les accélérations du bateau dans les surfs (record bateau : 17,4nds), pourtant sous toilé.

Que j’ai eu des coups de mous, avec le moral en berne, par trop de stress et de fatigue. Mais aussi de vrais moments de plaisir contemplatif devant cet élément insaisissable qu’est la mer. De la joie, de voir mon premier poisson volant et de remettre à l’eau des intrépides qui s’étaient échoués sur le cata.

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Des moments de crainte et d’excitation partagés en famille quand nous avons été suivis pendant près d’une heure par un rorqual de près de 10 mètres (la plus petite des baleine).

Le plaisir toujours renouvelé aussi par la compagnie quasi quotidienne des dauphins et de leur petits sifflements inimitables.

Et puis aussi, la célébration de notre premier anniversaire en Navigation : Charles a eu 7 ans le 14 novembre. Ouverture des cadeaux, petit repas d’anniversaire. 👍

Cette traversée est aussi une bonne expérience, en vue de la transatlantique. On aura noté que si nous avons les mêmes conditions météo-merdiques, il faudra que je revoie mon avitaillement avec des plats plus simples à mettre en œuvre et que je finisse par acheter des serre-casseroles pour cuisiner. Côté école, difficile de s’y tenir au quotidien.

Donc au final, une traversée sportive éprouvante physiquement et moralement, pendant laquelle, nous n’aurons pas eu de casse. La joie d’arriver à bon port et de pouvoir se reposer sous le soleil Cap Verdien.

 

8 Replies to “On a rendez vous avec la lune ! Traversée Canaries – Cap Vert”

  1. Merci pour cette page et bravo à tous les 2 à la fois pour les commentaires très évocateurs et pour tous vos apprentissages. Gigi je te retrouve bien là battante et positive ds le partage de tes decouvertes et émotions.
    J’ai hâte de faire avec vous un petit tour au Cap Vert…
    Des détails sur les 7 ans de Charles ???

  2. Geneviève je me retrouve beaucoup dans la description de ton vécu des quarts et de ton scepticisme quant à la navigation à coups de +/- ! C’est très chouette de lire vos ressentis, merci pour le partage.

  3. merci pour ce blog très documenté, on attend avec impatience la suite ….
    Sal a bien changé en 30 ans, je vais essayer de vous envoyer les photos d’antan avec le mouillage où nous n’étions que 2 !

  4. Que d’émotions dans cette traversée ….rien que de visualiser la vidéo de nuit du fond de mon lit m’a angoissée , je n’ose même pas imaginer le vivre ….vos retours d’expériences et vos ressentis sont toujours un vrai plaisir à lire …n’oubliez pas de nous poster le premier poisson que prendra Charles 😀. Bonne continuation à vous 4 .

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